Comment est fabriqué le papier ?
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- Papier
La fabrication du papier est un art millénaire qui s’est transformé au fil des siècles grâce à des avancées technologiques et des exigences environnementales. Aujourd’hui, c’est une industrie complexe qui produit des millions de tonnes de papier chaque année pour des usages très variés.
Voici une explication complète et détaillée de ce processus, de la matière première à la feuille de papier que nous utilisons quotidiennement.
1. Matière première : fibres de cellulose et matériaux recyclés
Le papier est principalement composé de fibres de cellulose, une substance naturelle présente dans les parois cellulaires des plantes. La source la plus courante de cellulose dans l’industrie papetière est le bois, mais les fibres recyclées jouent également un rôle important dans la production moderne.
- Fibres de bois : Le bois des conifères, comme le pin et le sapin, est particulièrement recherché en raison de la longueur de ses fibres, qui donne un papier plus solide. Les feuillus, tels que le chêne et le bouleau, sont aussi utilisés, mais produisent des fibres plus courtes, idéales pour des papiers plus fins et lisses.
- Les arbres utilisés sont souvent issus de forêts gérées durablement. L’industrie papetière s’appuie de plus en plus sur des pratiques de gestion forestière responsable pour limiter la déforestation. Il existe des certifications comme le FSC (Forest Stewardship Council) qui garantissent que le bois provient de forêts gérées de manière durable.
- Papiers recyclés : Le papier recyclé est fabriqué à partir de vieux papiers collectés, comme des journaux, cartons et papiers de bureau. Ces fibres récupérées sont traitées et réutilisées pour créer de nouveaux produits. Cela permet de réduire la dépendance vis-à-vis des fibres vierges et de limiter l’empreinte environnementale de l’industrie.
Les fibres végétales alternatives, comme le chanvre, le coton et le bambou, sont également de plus en plus explorées en raison de leur faible impact écologique et de leur capacité à renouveler rapidement.
2. Préparation du bois : découpage et écorçage
Une fois les arbres coupés, ils sont acheminés vers des usines de pâte à papier où ils subissent plusieurs étapes préparatoires. D’abord, les troncs sont écorcés pour éliminer l’écorce, car celle-ci contient des impuretés qui peuvent altérer la qualité du papier. Ensuite, les troncs sont débités en petits morceaux ou copeaux de bois, adaptés aux différentes méthodes de transformation de la pâte.
L’utilisation de copeaux permet de faciliter la séparation des fibres de cellulose du bois et de préparer ce dernier pour les étapes suivantes de dépulpage.
3. Le dépulpage : séparation de la cellulose
La pâte à papier, ou pulpe, est le produit de la séparation des fibres de cellulose du reste du bois (lignine, hémicelluloses). Cette opération s’effectue selon plusieurs méthodes :
a. Le dépulpage mécanique
Le dépulpage mécanique consiste à broyer les copeaux de bois en une pâte fibreuse. Ce procédé permet d’obtenir un rendement élevé, car il conserve la majorité des composants du bois, y compris la lignine. Cependant, la présence de lignine dans le papier diminue sa durabilité et provoque un jaunissement au fil du temps. C’est pourquoi la pâte mécanique est principalement utilisée pour des produits à courte durée de vie comme le papier journal.
Le dépulpage mécanique inclut également des variantes, comme le procédé thermomécanique où le bois est traité à la vapeur avant d’être broyé, ce qui assouplit les fibres et améliore légèrement la qualité de la pâte.
b. Le dépulpage chimique
Dans le dépulpage chimique, les copeaux de bois sont cuits à haute température dans des produits chimiques qui dissolvent la lignine et d’autres composants non fibreux. Cela laisse une pâte composée presque exclusivement de fibres de cellulose pures, idéale pour les papiers de haute qualité. Le procédé chimique le plus couramment utilisé est le procédé Kraft. Ce dernier utilise de la soude caustique et du sulfure de sodium pour extraire les fibres et produit une pâte particulièrement résistante, adaptée aux papiers d’emballage.
c. Les pâtes semi-chimiques
Il s’agit d’un compromis entre les deux techniques, où le bois est d’abord partiellement traité chimiquement pour éliminer une partie de la lignine, puis défibré mécaniquement. Ce procédé est souvent utilisé pour les papiers d’emballage nécessitant une résistance accrue tout en étant plus économique que la pâte entièrement chimique.
4. Blanchiment : purification de la pâte
La pâte obtenue après dépulpage est souvent brunâtre, surtout lorsqu’elle a été produite par le procédé Kraft. Pour obtenir un papier blanc, la pâte est blanchie. Le blanchiment peut viser deux objectifs :
- Amélioration de la blancheur sans élimination complète de la lignine, souvent appliquée aux pâtes mécaniques.
- Élimination complète de la lignine, nécessaire pour les pâtes chimiques afin de produire un papier de haute qualité et durable.
Autrefois, le blanchiment se faisait avec du chlore, mais en raison de ses effets néfastes sur l’environnement, des agents comme l’eau oxygénée ou l’ozone sont de plus en plus utilisés dans l’industrie moderne.
5. Raffinage et ajustement des fibres
Une fois la pâte blanchie, elle subit un raffinage pour améliorer les propriétés mécaniques des fibres. Selon le type de papier que l’on souhaite produire, le raffinage peut soit couper les fibres pour donner un papier plus souple (raffinage maigre), soit les écraser, ce qui libère les fibrilles internes, permettant une meilleure liaison entre elles (raffinage gras). Cela permet d’ajuster la résistance, l’absorption et la texture du papier final.
6. Formation de la feuille de papier
La pâte diluée (composée d’environ 1 % de fibres et 99 % d’eau) est déversée sur une toile en mouvement, où les fibres commencent à s’entrelacer. Ce processus se déroule dans une machine à papier moderne. Il existe plusieurs types de machines selon le type de papier à produire :
- Machine à table plate : la pâte est étalée sur une grande toile mobile où l’eau s’écoule sous l’effet de la gravité et de la succion.
- Machine à formes rondes : le papier se forme sur un cylindre rotatif où les fibres s’accumulent.
- Machine à double toile : deux toiles convergent pour former deux couches de papier qui fusionnent.
Pendant la formation de la feuille, l’eau est évacuée par aspiration, et les fibres commencent à se lier sous l’effet des vibrations de la toile. Un rouleau filigraneur peut être utilisé pour imprimer des motifs ou logos (comme les filigranes de sécurité) dans le papier encore humide.
7. Pressage et séchage
La feuille humide passe ensuite dans une série de rouleaux presseurs, qui extraient l’eau restante. Ces rouleaux exercent une pression de plus en plus forte à mesure que la teneur en eau diminue. Après le pressage, le papier est encore trop humide pour être utilisable ; il passe donc dans une sécherie, où il est chauffé sur des cylindres à vapeur.
8. Finition : encollage, calandrage et couchage
Une fois séché, le papier peut subir diverses opérations de finition selon son utilisation finale :
- Encollage : le papier est plongé dans une colle ou une résine pour améliorer sa résistance à l’eau et aux encres. L’encollage peut se faire dans la masse (ajout d’agent de collage à la pâte) ou en surface.
- Calandrage : Le papier passe entre des rouleaux en métal ou élastiques (calandre) pour lui donner un fini lisse et brillant. Plus la pression est élevée, plus le papier sera satiné.
- Couchage : Certains papiers, comme les papiers pour impression haut de gamme, reçoivent un couchage chimique, consistant en une fine couche de minéraux (kaolin, carbonate de calcium) pour améliorer la qualité d’impression et donner un effet brillant ou mat.
9. Bobinage et découpe
Une fois les opérations de finition effectuées, le papier est enroulé en bobines géantes. Ces bobines sont ensuite découpées selon les dimensions souhaitées (A6, A5, A4, A3, etc.) ou laissées en grand format pour des applications industrielles
10. Environnement et innovations récentes
Avec la pression croissante sur les ressources naturelles et les préoccupations environnementales, l’industrie papetière s’efforce de réduire son impact écologique. De nombreuses usines ont adopté des pratiques visant à diminuer leur consommation d’eau, à recycler les déchets de production et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’utilisation de fibres alternatives (comme le bambou ou les résidus agricoles) est également en plein essor, tout comme le développement de procédés de blanchiment sans chlore.
Conclusion
Le processus de fabrication du papier a considérablement évolué depuis ses débuts artisanaux. Aujourd’hui, c’est une industrie sophistiquée qui allie performance technologique et préoccupations environnementales. Chaque étape de la fabrication, de la transformation des fibres à la finition du produit, contribue à produire un large éventail de papiers adaptés à des usages variés.